Les causes du Syndrome de l’Intestin Irritable (SII) sont :
- multiples
- multifactorielles
- partiellement identifiées
De nombreux dysfonctionnements et anomalies ont été identifiés par les chercheurs comme causes probables du SII.
Plusieurs autres pistes sont en cours de recherche.
Le stress et l’anxiété jouent un rôle dans le SII mais ce ne sont pas des causes.
Il s’agit de facteurs qui peuvent aggraver les symptômes.
Les dysfonctionnements et anomalies pouvant expliquer le SII
Une motricité digestive perturbée
Les anomalies de la motricité de l’estomac
L’évacuation des aliments au niveau de l’estomac (la vidange gastrique) est ralentie, particulièrement pour les aliments solides, chez un certain pourcentage de patients du SII-C.
Certaines anomalies de la réponse motrice colique à un repas font intervenir l’estomac et le réflexe gastro-colique.
A cause de ce réflexe, on doit parfois courir aux toilettes lorsque certains aliments arrivent au niveau de l’estomac, pour évacuer des selles déjà présentes au niveau du colon.
Les anomalies de la motricité de l’intestin grêle
Par rapport à des sujets sains, le transit iléo-colique* est augmenté peu de temps après un repas chez les patients SII-D, et ralenti dans les 2 heures qui suivent un repas chez les patients SII-C.
Des études de recherche ont montré des anomalies telles que :
- une augmentation de la fréquence et de la durée des contractions
- une réponse motrice exagérée lors du repas (comme c’est le cas pour le côlon)
- une augmentation des vagues de contractions qui parcourent l’intestin grêle entre les repas
- une augmentation des contractions allant du bas vers le haut, en sens inverse de la motricité digestive normale, du duodénum et jéjunum.
Ces anomalies de la motricité ont plus souvent été retrouvées en cas de diarrhée prédominante. Elles ne sont toutefois pas spécifiques du SII.
* Le transit iléo-colique est le transit entre la 3e partie de l’intestin grêle (= iléon) qui précède le colon, et le colon.
Les anomalies de la motricité du côlon
Le tube digestif présente spontanément des contractions à jeun ou en réponse aux repas, ce qui correspond à la « motricité intestinale ».
En cas de SII, ces contractions sont modifiées : elles sont souvent plus lentes en cas de constipation et plus rapides en cas de diarrhée. Ces troubles existent chez 40 à 50 % des patients du SII.
Une micro-inflammation de la paroi du tube digestif
Une augmentation des cellules impliquées dans le phénomène de l’inflammation peut être retrouvée au niveau de la paroi du tube digestif.
Une étude scientifique a démontré que ces cellules sont retrouvées en plus grand nombre à proximité des terminaisons nerveuses (les extrémités des cellules nerveuses formant les nerfs), qui transportent les messages douloureux de l’intestin vers le système nerveux central.
Si ce concept de maladie micro-inflammatoire est récent, il est aussi robuste, car il a été mis en évidence dans de nombreuses études de recherche.
Au final, les études démontrent qu’environ 40 % des patients SII présentent une micro-inflammation de la paroi du tube digestif.
Une perméabilité intestinale défaillante
Le tube digestif contient des aliments, des matières fécales, des acides biliaires, des bactéries et des « facteurs luminaux » (c’est-à-dire situés dans la lumière du tube digestif ) qui peuvent être sécrétés par les bactéries ou les cellules de la paroi intestinale. La zone de la paroi intestinale qui est au contact avec ce contenu digestif est constituée d’une couche de cellules appelées cellules épithéliales.
Celles-ci sont maintenues serrées les unes contre les autres par des complexes constitués de différentes protéines (occludine, zonuline,…) qui forment ce que l’on appelle des « jonctions serrées ».
Mais, chez certains patients, ces jonctions deviennent moins serrées, et autorisent le passage de substances du contenu de l’intestin entre les cellules épithéliales et, par conséquent, dans la paroi intestinale.
Il a été démontré que la « perméabilité intestinale » est ainsi anormale chez environ 40 à 50 % des patients souffrant de SII.
Un microbiote intestinal déséquilibré
Des milliards de bactéries et autres micro-organismes sont présents dans le côlon. Cet ensemble est aujourd’hui appelé « microbiote intestinal », et auparavant « flore intestinale ». 2/3 des patients du SII auraient un microbiote différent d’individus non malades.
Un microbiote déséquilibré peut être lié à la micro-inflammation et aux troubles de la perméabilité. Des infections aiguës ou certaines bactéries normalement présentes pourraient modifier la perméabilité du tube digestif.
Chez certains patients, une pullulation chronique de bactéries a été décrite au niveau de l’intestin grêle (= un excès de bactéries par rapport à la normale) avec, dans certains cas, des effets favorables ou défavorables de la prise d’antibiotiques (qui tuent une partie des bactéries du microbiote). Le terme anglophone de SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth) est souvent utilisé.
En savoir plus le SIBO
Le SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth) est la pullulation chronique de bactéries au niveau de l’intestin grêle.
Le SIBO peut provoquer :
- la diarrhée
- des douleurs abdominales
- des flatulences
- des ballonnements
- des carences en vitamines B12, A, D
Comment diagnostiquer le SIBO ?
Les tests diagnostiques actuellement utilisés ne sont malheureusement pas fiables.
- le prélèvement de liquide duodénal avec mise en culture, mais cet examen est invasif, coûteux, peu fiable car pouvant être contaminé par la flore oro-pharyngée et il ne permet pas le diagnostic d’une pullulation dans la dernière section de l’intestin grêle
- les tests respiratoires via l’ingestion d’un sucre (glucose ou lactulose), puis l’analyse de la production d’H2 (2 atomes d’hydrogène) dans l’air expiré. Si ce test est non invasif, il est peu fiable.
Quels sont les facteurs pouvant favoriser le SIBO ?
- une diminution du péristaltisme* à cause de médicaments, de maladies chroniques (diabète, cirrhose) ou d’une chirurgie
- une diminution de l’acidité gastrique, qui peut être due à la prise de médicaments tels que les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP)
- l’âge
Quelles sont les conséquences du SIBO ?
- une fermentation des résidus alimentaires dans l’intestin grêle
- une augmentation de la perméabilité intestinale
- une inflammation chronique
- un effet des bactéries sur le métabolisme des sels biliaires
Quels sont les traitements du SIBO ?
- la prise de certains antibiotiques, probiotiques et prokinétiques (médicaments stimulant la motricité intestinale)
- un régime pauvre en FODMAPs afin de limiter les aliments fermentescibles susceptibles d’être mal absorbés
* Le péristaltisme est l’ensemble des contractions musculaires permettant la progression d’un contenu à l’intérieur d’un organe creux, tel que l’intestin.
Une hypersensibilité du tube digestif
La perception anormale et/ou douloureuse par certains patients pourrait expliquer, en partie, le SII. Il s’agit de phénomènes habituellement non perçus, comme le passage du bol alimentaire (progression des aliments après un repas) ou les contractions digestives.
L’hypersensibilité viscérale est retrouvée chez 2/3 des patients atteints du SII.
Les anomalies de l’activation cérébrale
Des études d’imagerie fonctionnelle cérébrale ont montré que certaines zones prennent en charge les messages venant du tube digestif.
Il existe des différences d’activation cérébrale chez les patients avec SII comparativement à des personnes non touchées, et entre les hommes et les femmes. Le SII peut induire des modifications dans la structure du cerveau, avec une modification de l’épaisseur de certaines zones de substance grise, ou dans les circuits des connexions entre zones cérébrales.
Les anomalies des contrôles des messages douloureux au niveau de la moelle épinière et/ou du cerveau
Un phénomène bien connu fait que chacun bloque sa douleur la plus faible pour se concentrer sur sa douleur la plus forte.
Par exemple, si vous avez, de manière simultanée, une petite plaie au niveau de la main et une jambe cassée, il vaut mieux s’occuper en priorité de votre jambe. Ce mécanisme, appelé « contre-irritation », passe par les nerfs de votre jambe. Ceux-ci envoient un message de douleur vers la moelle épinière et le cerveau. Une fois ce message douloureux intégré, un signal va descendre de manière réflexe pour « éteindre » le signal douloureux le plus faible (ici, celui de la main).
Ce phénomène a été étudié chez les patients du SII afin de mieux comprendre les contrôles de la douleur. Il en résulte que 2/3 des patients ayant le SII présentent une anomalie des contrôles de la douleur au niveau de la moelle épinière.
Ainsi, des sensations minimes provenant du tube digestif peuvent être amplifiées chez certains patients et provoquer des sensations douloureuses.
Il existe dans ce cas une disparition du filtre naturel qui bloque normalement les sensations minimes, comme celles provenant du tube digestif. Ces mêmes sensations sont au contraire amplifiées, et peuvent alors devenir douloureuses.
Les anomalies du taux de sérotonine
La sérotonine est un neuromédiateur important impliqué dans diverses fonctions (régulation de la température corporelle, cycle veille-sommeil, transmission et contrôle de la douleur, etc.), ainsi que dans la dépression et la migraine.
Environ 90 % de la sérotonine de l’organisme est fabriquée au niveau du tube digestif, où elle joue un rôle important dans :
- la motricité digestive (donc dans le transit)
- les sensations digestives
- les phénomènes de sécrétion de liquide
- les mécanismes de défense immunitaire
Des études ont montré que les concentrations de sérotonine dans le sang sont augmentées chez les patients SII avec diarrhée prédominante (particulièrement quand la diarrhée survient après les repas) et, au contraire, diminuées chez les patients avec constipation prédominante.
Un SII post-infectieux
Le risque de développer un SII après un épisode aigu infectieux de gastro-entérite est estimé autour de 10%.
Ces formes de SII post-infectieux ont été associées à différentes bactéries, notamment des salmonelles, des shigelles, ainsi que Campylobacter et Escherichia coli (le coli-bacille).
Ce risque est d’autant plus important que l’épisode infectieux a duré longtemps (plus de 5 jours), qu’il est survenu chez une femme plutôt que chez un homme, et dans un contexte de stress et d’anxiété.
Les SII résultants sont plutôt des formes avec diarrhée prédominante.
Les pistes en cours d’investigations par les chercheurs
Les acides biliaires
L’implication des acides biliaires comme cause potentielle dans le SII est toute récente. Il existe différentes situations dans lesquelles la quantité des acides biliaires passant dans le côlon, ou bien leur composition, sont anormales. Cela a pour conséquence une irritation du côlon, associée à une diarrhée souvent explosive, et qui est étroitement liée aux prises alimentaires.
Des recherches récentes ont démontré que la quantité d’acides biliaires primaires non transformés par le microbiote est plus importante chez ces patients SII-D que chez les personnes saines.
Les études se poursuivent sur le rôle des acides biliaires dans le SII.
Que sont les acides biliaires ?
Les acides biliaires sont contenus dans la bile. Celle-ci est produite par le foie et stockée entre les repas dans la vésicule biliaire. Lors du repas, la vésicule déverse la bile, et donc les acides biliaires, dans le circuit digestif, où ils sont utiles pour absorber les graisses. Après avoir effectué leur travail dans l’intestin grêle, ils sont réabsorbés à 95 % dans la partie ter- minale de l’intestin grêle (juste avant le côlon).
Les troubles de l’immunité acquise
Depuis 2012, des travaux de recherche tendent à impliquer des modifications de récepteurs situés à la surface des cellules épithéliales.
Ces récepteurs appelés « TLR » (Toll-Like Receptors) jouent un rôle de « surveillance » de ce qui passe dans la lumière du tube digestif.
Certains d’entre eux, comme le TLR4, servent à la reconnaissance de motifs bactériens, et pourraient donc jouer un rôle dans le « dialogue » entre les cellules épithéliales et le microbiote.
L’implication du « deuxième cerveau »
Le « deuxième cerveau » fait référence à la très grande richesse en neurones de la paroi du tube digestif. Cet ensemble de quelque 200 millions de neurones constitue le « système nerveux entérique » (c’est-à-dire du tube digestif ).
Les données chez des patients avec SII concernant le concept du deuxième cerveau sont très limitées à ce jour. Il s’agit aujourd’hui une piste d’étude bien plus qu’un axe de recherche déjà très développé. L’essentiel des travaux se fait actuellement sur des modèles animaux ou ex-vivo à partir de l’analyse de biopsies réalisées chez l’humain et sur des cultures de cellules du système nerveux entérique.
Les facteurs génétiques
On ne connaît actuellement pas de gène expliquant à lui seul la maladie. Plusieurs cas de SII peuvent exister dans une même famille (frères et sœurs, parents et enfants) sans qu’un lien direct avec la génétique ait été retrouvé pour l’instant.
D’autres facteurs (environnement, éducation, alimentation, etc.) pourraient aussi expliquer ces cas « familiaux ».
Cependant, des variations de certains gènes par rapport à leur forme la plus fréquente dans la population ont été retrouvées dans le SII. Ils concernent des récepteurs d’hormones ou de neurotransmetteurs, qui pourraient notamment expliquer des différences de réponses à certains traitements.
Les gènes possiblement impliqués sont ceux qui contrôlent :
- les récepteurs de la sérotonine
- les récepteurs de la morphine
- une molécule appelée interleukine 10, impliquée dans la défense immunitaire de l’organisme
- les récepteurs du TNF (Tumour Necrosis Factor), qui est impliqué dans l’inflammation et peut favoriser l’installation d’une forme de SII post-infectieuse
Le rôle des micro-ARN
Il existe de petites molécules qui jouent un rôle important dans la régulation de l’expression des gènes : les micro-ARN. Ces micro-ARN peuvent jouer un rôle physiologique ou dans des maladies en régulant l’expression de certains gènes importants.
Par exemple, le micro-ARN appelé mi-ARN 29a régule un gène impliqué dans le transport de la glutamine, qui est un acide aminé (les unités de base des protéines). Des études ont montré que ce micro-ARN est retrouvé plus fréquemment chez les patients SII que chez les autres, et qu’il pourrait être impliqué dans la perméabilité intestinale.
Les facteurs sans influence démontrée
De nombreux facteurs ont pu être évoqués comme étant à l’origine ou pouvant participer au développement du SII. Voici les plus fréquemment exprimés :
- la candidose digestive : il s’agit de la présence d’un champignon unicellulaire nommé Candida albicans dans les selles. Aucune relation avec le SII n’a été démontrée
- la maladie de Lyme : elle est causée par une bactérie (Borrelia burgdorferi) transmise par la morsure de tiques porteuses. Elle peut donner des symptômes généraux, une fatigue et des manifestations cutanées, ainsi que des pathologies rhumatologiques, cardiaques et neurologiques. Mais elle est sans rapport avec le SII.
- l’intoxication par les métaux lourds : aucun lien n’a été établi avec le SII. La chélation (neutralisation) des métaux lourds n’a pas d’intérêt dans le traitement du SII.
Le plus souvent, aucun facteur déclenchant évident n’est identifié comme à l’origine des symptômes. Aussi, aucun des mécanismes impliqués n’est présent chez tous les patients et, inversement, aucun patient ne présente l’ensemble de ces mécanismes.
Sources :
- Jouet P, Faroux R, Joubert H. Syndrome de l’intestin irritable. Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (SNFGE). https://www.snfge.org/content/syndrome-de-lintestin-irritable-sii
- Sabaté JM. Intestin irritable : Equilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon.
- NICE (National Institute for Health and Care Excellence), organisme du Ministère de la Santé du Royaume-Uni. Irritable bowel syndrome in adults: diagnosis and management. 2017. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32073807/